Historique

Les Arcenaulx, un projet à travers quatre siècles 

Le quartier des Arcenaulx délimite un espace compris entre le quai des Belges, la rue Breteuil, le quai de Rive-Neuve, la rue Sainte et la rue Fort Notre-Dame. La cohérence urbaine de cet espace a perduré, malgré les fortunes et les vicissitudes de l’histoire : sa désignation, au-delà des changements de fonctions et d’occupations des lieux, recouvre, encore de nos jours, une même unité urbaine sans cesse revivifiée.

L’arsenal des galères un bagne à la Renaissance 

En 1488, sur l’ordre du roi Charles VIII, cet espace, jusque-là inexploité, se voit attribuer une fonction précise : six tercenaux y seront construits afin de servir de remise aux galères. Les tercenaux seront achevés en 1494 et six galères y seront armées pour les guerres d’Italie. En 1512, Louis XII commandera douze nouveaux tercenaux dont six seront réalisés. À partir de 1529, suite à la série de déboires qui aboutissent au siège de Marseille par Charles-Quint, François 1er ordonne la construction de treize nouvelles galères. En 1646, l’hôpital des forçats est fondé à l’initiative de Saint-Vincent-de-Paul et du Général des galères. 
L’espace est dès lors baptisé : son toponyme “Les Arcenaulx” perpétue le souvenir de l’ancien Arsenal. Les galères, héritières directes des trirèmes romaines, embarcations militaires typiquement méditerranéennes, avaient pour véritable propulseur, la “chiourme” composée de quelques 260 rameurs. En 1564, Charles IX constitue “la peine des galères” qui vient grossir le nombre des galériens turcs ou africains, de condamnés de droit commun, auxquels viendront s’ajouter à partir de la Révocation de l’ Edit de Nantes nombre de protestants fidèles à leur foi. L’arcenal comptera jusqu’à huit mille galériens. Enchaînés nuit et jour au banc de nage, ils vivent une incarcération “livrée à tous les vents”. 
Le véritable âge d’or de la galère fut le XVIème siècle avec les guerres d’Italie. Non seulement armes stratégiques de l’époque, les galères étaient aussi symbole de puissance comme en témoigne le cortège de dix-huit galères partant en 1533 d’Ostie pour accompagner le pape Clément VII venu marier à Marseille sa nièce Catherine de Médicis au futur Henri II. Lorsqu’au XVIIème siècle, Colbert charge Nicolas Arnoul de moderniser l’arsenal, la galère est une arme déjà dépassée. Les causes d’une transformation volontaire de l’espace des Arcenaulx à l’époque classique sont plus du ressort d’une politique interne au royaume.

Le grand siècle, l’age d’or de la “cité-ArsenaI” 

En 1660, Louis XIV supprime le consulat de Marseille et entreprend la construction du fort Saint-Nicolas, orienté, non vers le large pour défendre la ville, mais vers la ville elle-même afin de juguler d’éventuelles révoltes. Le remodelage de la ville qui va suivre, avec son tracé cohérent et moderne (la future Canebière et les rues adjacentes) va de pair avec l’affirmation de la présence de l’Etat central sur tout l’espace agrandi et enclavé de l’arsenal. En 1699, Arnoul demande à Pierre Puget, chargé par la Ville d’un plan de développement urbain, un projet d’extension de l’arsenal : une cité idéale des galères est imaginée dans une perspective utopiste rappelant Ledoux. Le projet restera dans les cartons. A sa place, deux darses couvertes seront construites, l’hôpital des forçats se verra rénové, et l’ensemble imposant aura cependant noble allure. De plus, le chantier naval public situé sur l’actuel quai des Belges est alors expulsé vers le bassin du carénage : l’architecte Boyer y réalise vers 1685, sur les plans de Niquet, le Pavillon de l’Horloge regroupant, derrière ses piliers monumentaux et ses grilles altières, des magasins de stockage, des ateliers, des locaux administratifs, et jusqu’à une immense salle d’armes. L’arsenal atteindra son apogée dans les années 1685 – 1690 avec le prolongement de sa construction jusqu’à la rue Fort Notre-Dame : l’on verra alors dans le port jusqu’à quarante galères – qui ne sont plus que de luxueuses constructions d’apparât – paralyser toutes autres activités. L’arsenal, à la fin du XVIIème siècle, occupe plus de dix-huit hectares et représente plus de 18 000 habitants. C’est une véritable enclave dans la ville qui empêche toute circulation sur le quai et bloque l’alignement des nouveaux tracés d’Arnoul. C’est aussi, au cœur de la cité urbaine, un véritable ensemble architectural, à la fois usine, à la fois caserne, dont les fonctions carcérales revêtent des allures de palais, à l’image de la puissance royale.

XVIlI ème et XIX ème, un nouveau quartier à la recherche de lui-même

Paradoxalement, l’apogée de l’arsenal correspond au déclin de ses fonctions. Rapides sur les flots, mais fragiles et lourdes à appareiller, les galères sont inefficaces militairement.
Les pertes sont de plus en plus lourdes lors des campagnes, et désormais les navires marchands préfèrent s’armer eux-mêmes. Même si la politique de l’enclos de l’arsenal s’affirme encore au début du XVIIIème siècle avec la construction d’un canal qui l’enserre (canal achevé seulement en 1787), la nouvelle puissance commerciale de la Ville tend à investir un espace qui ne sert plus qu’à la représentation, inutile et superbe, de l’autorité centrale. 
En 1748, la fusion est décidée avec le corps des galères de Toulon : ne demeurent plus à Marseille que 2000 forçats plus occupés à la main-d’œuvre des nouvelles industries. Le Maréchal de Castries ordonne en 1781 l’abandon total des lieux : la Ville rachète l’ensemble de l’Arsenal pour une somme de dix millions de livres. Très vite, les terrains seront revendus à une compagnie privée qui devant la soudaine flambée des prix détruira les constructions de front de mer, le Pavillon de l’Horloge et ses attenants, libérant ainsi l’axe des futurs Quai des Belges et de la Canebière. 
Le chantier proprement dit de l’arsenal sera divisé en huit îlots équivalents au centre desquels sera réservée une petite place carrée, l’actuelle place Thiars. Cette configuration du bâti, calquée sur les infrastructures de l’ancien Arsenal, ne changera plus : les grandes bâtisses aux proportions de palais, leurs aménagements répondant à un univers concentrationnaire, les cours intérieures avec leurs galeries superposées, les larges escaliers en pente liés au négoce florissant.
Une riche bourgeoisie marchande s’installe alors aux alentours des Arcenaulx. La première partie du XIXème siècle, avec le blocus continental sous l’Empire et les nouvelles données internationales, verra peu à peu l’effondrement du commerce traditionnel. De plus, l’apparition des premiers navires à vapeur oblige le négoce marseillais a se repositionner: le port devient le Vieux-Port et les grands entrepôts industriels émigrent vers la Joliette. Un commerce plus modeste (ébénisterie, artisans, livres, imprimerie et divers services) prend place dans les îlots de l’ancien arsenal.
Le canal quant à lui est désormais réservé aux pêcheurs. Le quartier trouve alors son identité pittoresque qui va attirer dès la seconde moitié du XIXème les bohèmes et les artistes.

Les Arcenaulx, un patrimoine vivant 

Identité qui se renforce tout au long du début du XXéme siècle en épousant parfaitement un bâti hérité de l’histoire, grâce à l’action de l’association culturelle des Arcenaulx, fondée par Jeanne Laffitte. L’édition en fait son quartier général avec les quotidiens régionaux et des maisons au rayonnement international, tels les “Cahiers du Sud” de jean Ballard ou la presse de Jo Berto. 

Des artistes (Ambrogiani, Fernand Nègre, Quilici, Ferrari, Briata) des artisans au renom d’experts, de petits commerçants, des restaurateurs, des cafetiers s’emploient à individualiser ce quartier désormais parti intégrante du centre de la ville.

Menacés par la pratique urbaine des années vingt, les Arcenaulx, désormais désenclavés par le comblement du canal en 1925, risquent alors la destruction pure et simple. 

L’histoire va encore jouer en leur faveur avec la crise de 1929, la guerre et les nouvelles orientations des villes. Le centre demeure intact. Mais dans les années 60, sa circulation étant totalement paralysée, un parking en étages est construit cours d’Estienne d’Orves. Solution inévitable mais provisoire. L’ensemble architectural des Arcenaulx n’est pas affecté par les besoins factuels.

Au contraire, grâce à l’action de l’Association Culturelle des Arcenaulx, fondée par Jeanne Laffitte, avec un ouvrage de Jean Boissieu publié par l’association, le public prend conscience de ce patrimoine unique en centre ville. 

En 1982, Jeanne Laffitte, avec ses amis de l’école d’architecture de Luminy, lance une consultation internationale pour l’aménagement du cours. De la complicité de Gaston Defferre à la décision de Robert P. Vigouroux, le parking est démonté en 1987. En 1989 est inauguré l’actuel Cours d’Estienne d’Orves, nouvel espace public, imaginé par Charlie Bové, à la fois forum à l’antique, piazza à l’italienne ou rambla à l’espagnole, qui réinscrit dans notre modernité un projet urbain par-delà son histoire.

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